Comprendre la réalité 3/4

Un enseignement sur les 4 sceaux du dharma

Dongsung Shabdrung Rinpoché

L’impermanence subtile

Qu’est-ce que l’impermanence de l’instant, l’impermanence la plus subtile ? Ce que l’on appelle un instant, c’est un soixante-quatrième d’un claquement de doigt ou formulé différemment : la durée d’un claquement de doigt divisée par soixante quatre. Dans le Bouddhisme on considère qu’il s’agit là du plus court instant, le plus subtil.

Le monde entier, tous les phénomènes (les tables, les fleurs, les maisons, etc.) changent d’instant en instant. C’est à dire qu’instant après instant, ce n’est plus le même phénomène, c’est un nouveau phénomène, quelque chose de nouveau qui apparaît. Nous ne percevons pas cette impermanence subtile. Par exemple, si on regarde les fleurs dans le vase, on a l’impression que se sont les mêmes fleurs que ce matin, mais en fait, si on y réfléchit, on va se rendre compte que ces fleurs changent instant après instant. L’instant précédent de la fleur cesse et il y a un nouvel instant de la fleur. C’est le fait de ne pas percevoir ce changement subtil qui nous fait croire qu’elle est la même que ce matin.

Comment pouvons nous comprendre cette impermanence subtile ?

L’impermanence grossière peut facilement être perçue ; par exemple, le fait que les fleurs fanent. Mais pour qu’il y ait ce changement, pour que les fleurs fanent, il faut qu’instant après instant il y ait de petits changements, et cette accumulation sur la durée produit un grand changement qui fait qu’elles se transforment complètement. C’est ce changement d’instant en instant que l’on nomme l’impermanence subtile.

Il en est du temps comme des particules. Nous ne les percevons pas. Mais lorsque de nombreuses particules se rassemblent, elles forment de la matière grossière et c’est cette dernière que nous pouvons voir. De la même manière, nous ne verrons pas un seul cheveu sur le sol alors que s’il y en a plusieurs accrochés ensemble, nous percevrons cette masse. Il en va de même avec les instants : on ne voit pas le changement qui se produit instant après instant, on ne perçoit que les changements majeurs qui résultent de la succession ininterrompue du changement.

Le temps est en fait ce qui change, il est la nature du changement. Si on considère les instants qui constituent le temps : le passé, le présent, le futur, on voit qu’il y a une seconde après l’autre et chaque instant ne demeure pas. Il y a le premier, le deuxième, le troisième, le quatrième… on ne peut arrêter le temps. Le temps par nature c’est ce changement et c’est le temps qui passe sans qu’on puisse le saisir et l’arrêter.

Précédemment nous avons parlé de la citation de Dharmakirti : «Le simple fait d’apparaître, c’est déjà cesser». Il n’y a pas quelque chose qui fait cesser et il n’y a pas un phénomène extérieur qui fait cesser, c’est la naissance même qui est cessation. C’est de cette façon que l’on examine les phénomènes dans le bouddhisme. C’est à dire que l’on prend conscience que tous les phénomènes composés changent instant après instant. C’est pour cela que finalement nous pouvons percevoir leur impermanence grossière. Elle est simplement la conséquence de l’accumulation du changement qui se produit instant après instant. Cette impermanence n’est pas quelque chose de surprenant, c’est la nature même des choses d’être impermanentes.

On ne voit pas le changement qui se produit instant après instant, on ne perçoit que les changements majeurs qui résultent de la succession ininterrompue du changement.

La contemplation de l’impermanence

Dans le Bouddhisme, il  existe des pratiques où l’on cultive la perception de l’impermanence, où l’on contemple l’impermanence ; le bienfait de ce type de contemplation, c’est que l’on est capable de faire face aux changements. Le changement le plus important étant bien sur la mort, ce type de contemplation permet d’y faire face. L’impermanence, c’est la nature même des phénomènes qui par nature changent instant après instant. Le fait de cultiver cette perception de l’impermanence des phénomènes fait que l’on comprend avec certitude que les phénomènes changent et que nous allons mourir. Il n’y a pas une personne qui soit née qui ne va pas mourir. La mort est inéluctable. Le fait de se familiariser encore et encore avec l’impermanence permet d’aborder ce grand changement qu’est la mort avec plus de sérénité.

De la même manière, lorsqu’on réunit les causes spécifiques pour quelque chose, il est certain que cet effet se produira à plus ou moins long terme. Lorsqu’on rassemble les causes correspondantes à un effet, on peut avoir la certitude que l’effet va se produire, et qu’il n’y a donc pas de crainte à avoir par rapport à l’effet. Un résultat se manifeste naturellement parce que les causes et conditions sont rassemblées, et de ce fait il n’y a pas de crainte à avoir par rapport à ce fruit et à son obtention.

Lorsqu’on rassemble les causes correspondantes à un effet, on peut avoir la certitude que l’effet va se produire.

Parfois cette certitude peut avoir un aspect ennuyeux pour les personnes qui aiment bien ne pas savoir ce qu’il va se passer. Cela génère une agitation à laquelle elles s’habituent, et dans laquelle elles se complaisent. Cette agitation est considérée comme quelque chose d’agréable, mais en fait, on ne se rend pas compte que cette agitation même est souffrance.

Sommaire

Episode 1 : Introduction – Tous les phénomènes composés sont impermanents – L’impermanence, le changement même – L’impermanence grossière – Impermanence et karma

Episode 2 : L’impermanence de la continuité – Le karma – Comprendre tous les aspects de l’impermanence.

Episode 3 : L’impermanence subtile – Comment comprendre l’impermanence subtile ? – La contemplation de l’impermanence.

Episode 4 :  Tous les phénomènes contaminés sont souffrance – Que veut dire contaminé ? – Qu’est-ce que l’ignorance ? – Notre rapport à la souffrance – Notre décalage avec la réalité – Le bonheur inhérent.