Séminaire Éthique et fin de vie

Organisé par Dhagpo Bordeaux le 13 avril 2013

Aspects éthiques et fins de vie

 

Le 13 avril 2013, à l’Université Bordeaux Ségalen, l’Atelier des Savoirs a organisé son premier séminaire bordelais, parrainé par le Comité d’éthique de l’Union Bouddhiste de France représenté par Michel Aguilar.

Des intervenants de grande qualité se sont retrouvés pour partager la singularité de leurs regards. Daniel Ceccaldi, médecin hématologue au CHU de Libourne, Olivier Guisset, médecin réanimateur à l’hôpital St André de Bordeaux, Jacques Faucher, médecin généraliste et prêtre catholique, directeur de l’Espace Ethique Aquitain et anila Trinlé, moniale bouddhiste investie dans l’accompagnement et la réflexion éthique ont échangé leurs savoirs et expériences. Lama Puntso animait cette rencontre qui réunissait une centaine de participants.

L’objectif de cette rencontre était de rappeler les aspects éthiques concernant la fin de vie dans deux contextes différents (la réanimation et les soins palliatifs), de partager l’expérience de soutien et d’accompagnement des personnes malades et de leurs proches, et d’apporter un écho bouddhiste sur l’éthique et la présence en fin de vie.

Quelques idées-clé évoquées au cours de la rencontre

Les différents types de dignité

  • La dignité du dignitaire, liée à la fonction exercée, cette dignité se gagne, se mérite et peut se perdre.
  • La dignité liée à l’image de soi, fait référence à l’image que l’on veut avoir, que l’on veut garder en dépit des outrages du temps, de la maladie, de l’accident. Ce sentiment de dignité peut se perdre alors, pouvant amener les personnes à se couper de leurs proches pour ne pas imposer une image dégradée par rapport à l’image que l’on aimerait laisser.
  • La dignité de la maitrise de soi, cela va avec l’autonomie. On recherche l’indépendance, on refuse la dépendance, alors que tout est interdépendant. Il y a un décalage entre l’autonomie souhaitée et la réalité, c’est ce qui génère de la souffrance. Par exemple, lorsque nous avons besoin d’aide pour les gestes du quotidien, voire pour des actes intimes, on perd la notion d’être un sujet pour se considérer comme un objet. Il y a alors un sentiment de déchéance, de non-dignité.
  • La dignité fondamentale de l’être, inaltérable et universelle, liée, en fonction des différentes vues, soit parce que la personne est créée à l’image de Dieu, soit au nom des Droits de l’Homme (Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits), soit encore parce qu’il possède la nature de bouddha.

L’euthanasie

Dans un premier temps, distinguer l’euthanasie des autres décisions de fin de vie :

  • Du suicide assisté, c’est-à-dire le fait de fournir à une personne les moyens de mettre fin à ses jours elle-même. Euthanasie et suicide assisté sont donc tous deux caractérisés par une demande explicite du patient de mourir, mais dans le second cas l’assistance du médecin se limite à prescrire et/ou fournir à la personne concernée les médicaments qui lui permettront de se donner la mort.
  • De l’intensification de traitements antalgiques ou sédatifs dans l’objectif de soulager des souffrances persistantes, même si cette décision venait à avoir comme effet secondaire non voulu, une accélération de la survenue de la mort. En autorisant ce type de décision, la loi du 22 avril 2005 dite « Leonetti » protège désormais les soignants des risques judiciaires qu’ils encouraient auparavant.
  • De la limitation et de l’arrêt des traitements, c’est-à-dire le fait pour un médecin de ne pas entreprendre ou d’interrompre des traitements devenus disproportionnés au regard de leur bénéfice pour le patient, ou qui ne visent qu’à le maintenir artificiellement en vie. La limitation et l’arrêt des traitements se distinguent alors de l’euthanasie : contrairement à cette dernière, il ne s’agit pas d’administrer un produit provoquant la mort, mais d’arrêter un traitement qui maintient de manière artificielle une personne en vie. Depuis la loi du 22 avril 2005, une telle décision est légale en France. Elle doit cependant impérativement s’accompagner de soins palliatifs. Contrairement à ce qui est souvent affirmé, l’arrêt des traitements ne signifie pas l’arrêt des soins : en cas d’arrêt de la nutrition, de l’hydratation ou encore de la ventilation artificielle, il est impératif de continuer à dispenser des soins de confort et à lutter contre la douleur.

L’ euthanasie, un mot dont le sens a évolué au fil des siècles :

  • C’est un mot qui a un sens variable ; schématiquement, de l’Antiquité à la fin du XIXe siècle, euthanasie signifiait « bonne mort, mort douce », une mort sans souffrance, comme le dit le Littré. L’euthanasie n’a plus le même sens actuellement, depuis les progrès des thérapeutiques, désormais souvent efficaces pour reculer l’échéance de la mort.
  • Il y a toujours une intention dans l’euthanasie, celle de provoquer ou de hâter la mort. Et il y a une action, pour matérialiser cette intention : mettre en œuvre un moyen efficace et indolore.
  • L’euthanasie était supprimer la souffrance, aujourd’hui c’est supprimer le souffrant.

Quelle dignité dans l’euthanasie ?

  • Pour les partisans de l’euthanasie : quelles sont les raisons avancées par les personnes concernées ? Les deux premières sont : perdre la dignité humaine, et éviter une mort indigne.
  • La dignité évoquée par toutes ces personnes est de l’ordre de l’avoir, et non plus de l’être ; il s’agit des dignités de l’image de soi et de la maîtrise de soi.
  • Quel que soit l’état de la personne, elle reste un être digne, mais souffrant, que nous avons le devoir de soulager et non le droit de supprimer, même à sa propre demande.
  • Il s’agit de continuer à considérer que la personne en fin de vie, malgré sa souffrance, est, et reste tout à fait digne si on se réfère à la dignité qui est de l’ordre de l’être, et non plus de l’avoir. Cette dignité appelle logiquement et naturellement à la compassion à l’égard de cette personne.
  • II semble que le débat dérive : la dignité de l’être sert de moins en moins de fondement à l’euthanasie, mais se tourne vers le droit, l’autonomie de l’homme, et la liberté.