Le phénomène du croire aujourd’hui

Université d’automne de Dhagpo Bordeaux

17 novembre 2018 – Quelques photos et paroles échangées…

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Samedi 17 novembre à Dhagpo Bordeaux, accueil des participants à l’université d’Automne de Dhagpo Bordeaux dans les locaux rénovés et agrandis de l’association. Le thème de cette année est : « Qu’est-ce que tu crois ? Le phénomène du croire aujourd’hui ».

Lama Puntso, enseignant bouddhiste, responsable du centre Dhagpo Bordeaux, introduit le séminaire : « Le phénomène du croire s’est vite imposé comme générateur de paradoxes… J’ai le sentiment que nous allons sortir de cette journée avec plus de questions que de certitudes ».

« …Plus nous essayons de cerner ce que sont les croyances, plus elles se dérobent à nous…. Nos discussions sont au cœur d’un paradoxe insoluble : les croyances de chacun teinteront de fait les échanges que nous aurons sur les croyances. »

Michel Aguilar, ex-président de la Commission droits de l’Homme – Conseil de l’Europe, ex-vice-président de l’Union Bouddhiste de France : « On ne peut pas vivre sans croyance. Le phénomène du croire réagit aux conditionnements, ses différentes facettes sont subtiles, très nombreuses, hiérarchisées ».

« Croyances héritées de la famille et/ou d’une tradition culturelle, croyances établies en fonction des croyances des autres, croyances immédiates face à quelqu’un de charismatique. Certaines de nos croyances passent inaperçues : quand on ignore qu’on ignore, on croit savoir ! »

« D’après les recherches actuelles, les convictions religieuses et politiques empruntent un même réseau de neurones impliqués dans l’équilibre de la personne… Il est réconfortant d’avoir une explication intégrale, cohérente et intellectuellement satisfaisante de notre monde, en fonction de notre besoin plus ou moins important d’explications ».

Louis Violeau, doctorant en deuxième année en neuropsychologie clinique à l’université de Bordeaux nous présente des études issues des neurosciences qui suggèrent que le libre-arbitre de la volonté serait une illusion.

« Les neurosciences défendent l’idée que le libre-arbitre est illusion; cependant, les sciences sociales montrent que croire cela amène les gens à se comporter de façon égoïste, amorale et antisociale en réduisant leur responsabilité. Dilemme ! »

« Une proposition pour résoudre ce dilemme : bien que la majorité de nos actions ne soient pas choisies par notre volonté consciente, nous en sommes responsables dans la mesure où notre volonté est cohérente avec nos actions. »

Alhadji Bouba Nouhou, enseignant en master « Religions et Sociétés » et en licence professionnelle à l’Université Bordeaux Montaigne : « La croyance croit soutenir quelque chose pour vrai, c’est aussi un jugement sans que n’en soit garantie la vérité. »

« La croyance aurait pris place dès que l’être humain s’est mis debout, d’autres disent dès que l’être humain a pris conscience de la mort et a enterré ses semblables, d’autres pensent que la croyance est instinctive ou est liée à la parole : je crois parce que je parle, que je t’écoute et te fais confiance. »

« Aujourd’hui, il y a un net retour à la croyance et des interrogations sur les croyances. Une chercheuse dit que dans ce monde globalisé, il y a une déstructuration des sociétés, à cause du chômage, du divorce, etc. Les ados sont en mal de croyances; la laïcité n’a pas pris suffisamment en considération ce besoin de croire. »

Lors de la table ronde avec Michel Aguilar, Louis Violeau et Alhadji Bouba Nouhou, quelques phrases issues des échanges entre les intervenants et les participants : « L’individu crée ses convictions et prie ses idoles sur base de cette croyance. »

« On a parfois de bonnes croyances et de fausses croyances, par exemple dans le domaine médical, les médecins pensent qu’il y a plus de risques d’avoir des procès… C’est le savoir judiciaire qui peut faire évoluer leurs croyances. »

« Les technologies innovantes provoquent progressivement la modification des croyances, par exemple, sur les choix prédictifs. »

« Je cherche à comprendre pourquoi je vis, pourquoi je vais mourir, j’ai besoin de comprendre et de croire à quelque chose. »

« On croit fermement à des choses dont on n’a pas la preuve, mais beaucoup plus faiblement à des choses dont on a la preuve. »

« Les croyances partagées sont structurantes pour un groupe humain. Mais quand ces croyances sont stéréotypes, et que l’on fait partie d’une catégorie stéréotypée, on peut être contaminé par elles, et se limiter à certains comportements attendus. »

Après la pause déjeuner, Olivier Le Deuff, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à Bordeaux Montaigne : « Comment accéder aujourd’hui à une information de qualité ? »

« Nous sommes confrontés à beaucoup de fausses informations que l’on pense vraies, et que l’on peut retransmettre de bonne foi. « À l’avenir, l’éducation aura pour but d’apprendre l’art du filtrage » (Umberto Eco), c’est-à-dire la capacité à évaluer les informations, entre information et désinformation, notamment sur les réseaux sociaux, où il est parfois difficile d’y résister. »

« Favoriser la « littératie » : « Être compétent dans l’usage de l’information, savoir reconnaitre quand émerge un besoin d’information, être capable de trouver l’information adéquate, ainsi que de l’évaluer et de l’exploiter. »

Daniel Fages, coach formateur en leadership et management : « Au quotidien, nous prenons des dizaines de décisions, idem dans le monde de l’entreprise où le processus de prise de décision fait l’objet de multiples observations, modélisations, publications ; très régulièrement, on nous propose de nouvelles théories, des outils d’aide à la décision, des formations … et paradoxalement, en entreprise, il y a plein d’exemples de situations provenant de décisions absurdes. »

« Pourquoi la pratique s’avère aussi complexe ? Parmi toutes les explications données, la littérature traitant du sujet propose une explication : le cerveau humain, pour faciliter son « travail » mettrait en place des automatismes simplificateurs qui œuvrent à notre insu. »

« Alors, lorsque nous prendrons une décision, souvenons-nous que le plus grand risque pouvant nous conduire à une absurdité c’est d’abord notre absence de conscience qui laisse nos automatismes décider pour nous. »

Lama Puntso se demande, et nous demande, jusqu’où sommes-nous libres de nos croyances : « Le corps est composé, les sensations sont multiples, les pensées sont plurielles, les événements mentaux sont composites et la conscience succession d’instants. Nous sommes bien plus processus que matière. Et aucun des cinq facteurs n’existe à part des autres : ils fonctionnent en boucle. »

« Nous ne percevons pas la manière dont nous fonctionnons. Et la perception que nous avons des choses nous fait croire qu’elles existent telles qu’elles nous apparaissent. Comme si il y avait deux réalités : celle qui nous apparait et ce qui se passe vraiment. »

« Associer la contemplation et la méditation permet d’identifier progressivement les croyances qui nous traversent. On parle alors de percevoir la réalité telle qu’elle est. Cela permet de poser un regard plus apaisé sur ce que nous vivons et d’être moins dupes des croyances. »

Table ronde avec Michel Aguilar, Olivier Le Deuff, Daniel Fages et lama Puntso. Quelques phrases issues des échanges entre les intervenants et les participants : « Nos discours ne sont pas forcément vrais en soi, mais l’important c’est qu’on puisse les améliorer : ce n’est alors pas si grave de faire une erreur parce qu’elle peut être corrigée. »

« Est-ce que ce sont mes croyances qui forment ma réalité ? On constate assez fréquemment qu’on a des croyances qui se renforcent au contact des personnes qui pensent comme nous. Il s’agit donc de faire l’effort d’écouter des personnes qui ne pensent pas comme nous. »

« Les choses changent sans cesse, c’est nous qui les réifions, par un jeu de représentations. Ce n’est pas qu’il faille le rejeter, mais le questionner. On s’appuie sur la réalité relative, c’est important, mais il est essentiel de ne pas en être dupe.»

« Est-ce que le libre-arbitre serait de se questionner ? Je pense que le fait de se questionner est une pratique de survie face aux croyances, de dépister tout ce qui fige une situation et de questionner les évidences. Mais si on n’est pas conscient d’une croyance, on ne peut rien en faire. »

« Les croyances ont pour propos de faire sens, il y a des croyances figeantes et des croyances qui ouvrent. C’est mon rapport aux croyances qui va décider du sens. »

Merci à tous les intervenants et les participants de ce séminaire pour ces échanges fructueux, qui questionnent et enrichissent la réflexion que chacun peut mener.

L’équipe de Dhagpo Bordeaux

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